La sortie d’une consultation pour la réalisation d’un site internet est une étape cruciale d’un projet web en collectivité territoriale. Au-delà des habituels documents attendus dans la réponse des candidats (mémoire technique, bordereau de prix, etc.), une question revient toujours chez nos clients : faut-il demander une proposition graphique de site ?
Invariablement, la réponse est non. Et cet article vous donne 10 bonnes raisons de ne pas le faire.
Raison 1 : ça fait travailler des prestataires sans rémunération
Il est bon de le rappeler tant cela paraît parfois échapper à certaines collectivités : la réponse à un marché public est une tâche conséquente nécessitant d’une journée à parfois plus d’une semaine de travail. Un travail considéré comme « normal » mais non rémunéré.
En ajoutant à la demande une proposition graphique, la collectivité oblige chaque prestataire à solliciter, en plus de son commercial (déjà assisté pour certains points de son chef de projet et son expert technique), un graphiste sur une tâche représentant 1 à 2 jours de travail.
Tâche chronophage et non rémunérée qui va entraîner un problème plus ennuyeux pour vous…
Raison 2 : ça dissuade les bons prestataires de répondre
Eh oui ! Les bons prestataires ont, par définition, beaucoup de travail. Donc pas de quoi monopoliser des ressources sur une tâche sans garantie de succès.
Lors des périodes où de nombreuses consultations web sortent (à l’approche de la période préélectorale ou après les élections notamment), ces prestataires trient les consultations et choisissent attentivement les marchés auxquels ils répondent. Ce genre de demandes est typique des critères qui font passer un marché à la poubelle.
D’ailleurs, certains prestataires commencent sérieusement à s’en plaindre, et la Direction des affaires juridiques du MINEFI a déjà fait un rappel à l’ordre !
À ceci, on répondra alors qu’il suffit de rémunérer les candidats pour leur travail. Les règles de la commande publique prévoient en effet ce cas de figure. Il est tout à fait possible de payer quelques centaines d’euros à tout candidat qui fournira une proposition graphique dans son offre. Ce qui nous amène à la raison suivante…
Raison 3 : ça coûte de l’argent pour rien
Les rares collectivités qui rémunèrent les candidats à leur consultation déboursent en moyenne 300 à 500€ par candidat. Sur une moyenne habituelle de 5 à 10 candidats pour un marché web, votre consultation vous coûtera déjà plusieurs milliers d’euros.
Pour rien.
Car comme nous allons le voir avec les points suivants, obtenir des propositions graphiques à l’appui de chaque candidature sera loin de vous faciliter les choses. En fait, cela va surtout vous poser beaucoup de problèmes.
Raison 4 : ce n’est pas un critère de choix pertinent
On aurait peut-être dû commencer par là tellement cet argument se suffit à lui-même : on ne juge pas un prestataire web à la beauté de ses sites.
Votre utilisateur n’a que faire de la moindre excentricité en matière graphique et n’attend pas d’être séduit par votre site (sauf si vous êtes un office de tourisme). Il attend avant tout de trouver la réponse à sa question le plus rapidement possible.
En langage de chef de projet web, on appelle ça l’ergonomie ou, pour les amateurs de termes à la mode, l’UX design.
Une ergonomie qui se traduira généralement par des dispositions visuelles classiques (dans lesquelles l’utilisateur trouvera ses repères), et par un graphisme simple et épuré (qui mettra les éléments en valeur sans nuire à la navigation).
En bref, tout ce qui, au premier coup d’œil, ne vous apparaîtra ni « à la mode », ni véritablement « moderne », ni qui ne « rompe avec l’aspect administratif ». C’est-à-dire rien de ce que vous attendez généralement d’une proposition graphique…
Raison 5 : ça fausse votre jugement
Cette raison à elle-seule devrait normalement dissuader quiconque souhaite avoir une analyse objective de ses candidatures reçues.
Avoir une proposition graphique est le meilleur moyen de perturber votre jugement. Peu importe ce que vous lirez dans les dossiers, rien ne trouvera grâce à vos yeux si la proposition graphique ne vous séduit pas.
Et si vous vous pensez capable de passer outre, dites-vous que ce ne sera sûrement pas le cas de votre comité de pilotage. D’où la raison suivante…
Raison 6 : ça complexifie la décision finale
Vous, vous êtes capables de voir au-delà d’une belle charte graphique. Vous savez que ce n’est pas là qu’on juge l’efficacité d’un site internet.
Malheureusement, ce n’est bien souvent pas le cas de vos décideurs. Soumettez-leur les dossiers de candidature et la première chose qu’ils regarderont, ce sont les références des candidats. Si en plus le dossier contient une proposition graphique, alors il ne leur en faudra pas plus pour se faire une opinion définitive.
Et derrière, vous, pauvre chef de projet, serez comme dans l’espace : même en criant, personne ne vous entendra.
Raison 7 : vous serez toujours déçu
Demander une proposition graphique dans la réponse commerciale, c’est créer une difficulté pour vous et un dilemme pour votre prestataire.
Votre difficulté, c’est d’exprimer par écrit ce que vous attendez exactement de cette proposition en termes de contenu, d’éléments et surtout d’atmosphère. C’est à dire mettre noir sur blanc votre vision du site, ou encore pour parler dans le jargon : écrire votre brief graphique. Et ça, c’est un métier. Mais pas le vôtre, celui de votre prestataire. C’est pour ça que vous le payez. Il est donc fort probable que vous produisiez quelque chose d’incomplet, ou qui sera jugé comme tel par vos candidats.
En prime, vous mettez les candidats face à un dilemme : sans connaître la personne qui va juger, comment lui faire une proposition adaptée ? Doit-il sortir hors des sentiers battus ou au contraire faire quelque chose de commun ? Quel est votre niveau de culture du web et que considérez-vous comme « moderne » ?
Bilan des courses, en l’absence de connaissance de leur juge d’une part, et en déchiffrant le brief que vous avez rédigé tant bien que mal d’autre part, les candidats vont devoir réussir une prouesse s’apparentant à la traversée de la place de l’Étoile à pieds les yeux bandés dans le brouillard. Et ils vont probablement se planter, ou faire quelque chose de fade et consensuel, ce qui revient au même.
Et vous serez déçu.
Raison 8 : ça complique la relation avec le futur prestataire
Admettons. Vous avez demandé une charte graphique dans votre marché.
Maintenant vous êtes en réunion de brief graphique avec votre prestataire. Et vous l’entendez dire « si vous nous avez sélectionné, c’est que la proposition qu’on vous a faite vous plaît. Donc on va rester dessus et l’ajuster ».
Et hop ! Par un tour de magie, vous oubliez les ateliers de conception, les réflexions ergonomiques, le travail de personas et toutes les autres méthodes que votre prestataire a décrites longuement dans son offre commerciale. Et que vous avez payées.
Au profit d’une séance d’allers-retours longue et inefficace sur la charte qu’il vous a proposée dans l’offre.
Évidemment, vous direz non. Vous argumenterez. Vous exigerez votre dû : les deux ou trois propositions graphiques demandées dans le cahier des charges. Et le prestataire vous répondra alors : « pas de problème, la proposition incluse dans notre offre commerciale vaut pour une. Nous allons vous en faire une seconde. »
Et vous accepterez. Parce qu’au fond, vous savez qu’il a raison.
Raison 9 : ce n’est pas le meilleur prestataire qui fera la meilleure proposition
Rarement même. Voire jamais. En tout cas ce n’est pas lié. Comme une horloge cassée qui donne quand même l’heure deux fois par jour, on peut être très mauvais et faire une proposition qui tape dans le mille. Et inversement.
Ce n’est pas un critère on vous dit !
Raison 10 : car un mauvais designer est le moins grave qui puisse vous arriver
Analysons le « worst case scenario ». Vous avez sélectionné votre prestataire et arrive le moment des propositions graphiques. Elles sont horribles. Ce n’est même pas une question de goût, c’est juste laid. Un site des années 90.
Eh bien figurez-vous que c’est le moins grave des problèmes qui puisse vous arriver. Car des webdesigners, il y en a à la pelle. Pour vous en convaincre, citons l’un de nos contacts qui recrute régulièrement des webdesigners :
« On passe une annonce, et on garde uniquement les 10 premiers CVs. Car si on les analysaient tous (plus d’une centaine en quelques jours en moyenne), il serait impossible de prendre une décision. »
(propos d’un directeur artistique d’agence web)
Si votre prestataire n’est vraiment pas capable d’arriver à une proposition convenable, il sera toujours possible de recourir aux services ponctuels d’un webdesigner indépendant, pour quelques centaines d’euros.
Soit beaucoup moins que ce que vous coûterait un prestataire défaillant sur d’autres plans, comme sa méthodologie ou ses capacités techniques.
Nous espérons vous avoir convaincu que demander une proposition graphique dans vos marchés web est une erreur. Bien d’autres critères d’analyses sont plus pertinents à observer : la couverture correcte du périmètre fonctionnel, la méthodologie, l’équipe proposée, le respect du planning, etc.
Bon marché web à tous… et bon courage pour l’analyse des offres !
c’est une belle analyse, pertinente …